Bien que notre association ne soit pas confessionnelle, les témoignages du Père Denis Mary sont si riches de ressenti , d'émotions, d'histoires de vie qu'il nous a semblé dommage de vous en priver , au nom d'un quelconque "équilibre" des opinions ou d'un éventuel risque de confusion sur la nature de notre association. Nous vous souhaitons donc une bonne lecture.

Paroisse St Roch (10 à 12 000 habitants)

Paroisse crée en 2001 dans la montagne en périphérie de Carrefour (Port au Prince) 2 églises - St Roch (détruite – en reconstruction) - Mahodou (église dont la construction va commencer) + 2 chapelles – salles polyvalentes en projet(Macao) Ecoles : St Roch (480 élèves) détruite (salles provisoires) Dufresnay – création d’une école sous toile (98 élèves – 2010. 2011) (gratuite pour les familles, les plus pauvres) Mahodou- école en bon état 2 projets avec les salles polyvalentes Presbytère – 1 presbytère détruit (pas de projet pour le moment) La paroisse fait partie du secteur rural de la commune de Carrefour. Dans la montagne, une route sinueuse, escarpée, à peine carrossable, relie les différents lieux (inutilisable par temps de pluie) Entretenue par ceux qui la fréquentent. Les habitants n’ont aucun moyen de transport. Pas de « TapTap » La voiture des prêtres prend des auto-stoppeurs dans tous les sens. -Ecole St Roch Les deux modules payés par l’association Cœurs Unis Kè Kontre vont être les bienvenus. Car les enfants sont en classes doublées dans la même pièce (40 m2) Il y a une classe de petits où ils sont 94. Fin janvier, l’école va occuper les 2 modules. Ils vont se croire au paradis. -Ecole de Dufresnay 2010 Sous toile, une école avec 2 classes entre-ouvertes. Quelques tables sur le sol et un tableau. Cette école est totalement gratuite. Dès l’ouverture : 94 élèves. Certains enfants n’ont même pas d’existence légale (pas inscrits sur l’état civil) C’est entrain de se régler. Une salle polyvalente en projet abritera un jour cette école.

Dans la montagne les ONG (américaines) n’ont rien fait à la suite du séisme. Tout est pour Port au Prince. Secours catholique ou autre organisme n’ont rien donné. C’est aux Pères de se débrouiller.

Denis 20.01.2011


« Société des prêtres de St Jacques » Missionnaires en Haïti But – 1- Aider les Eglises qu’ils servent, à réaliser leur vocation missionnaire. 2- Envoyer dans d’autres pays et d’autres Eglises, des messagers de l’Evangile. 3- Engager les Eglises dont ils sont originaires à vivre avec les missionnaires. (L’Évangélisation de St Domingue-Haïti a commencé avec des conquérants Espagnols (Franciscains, Dominicains, Carmes, Jésuites) 1804 – Le pays Ouest –St Domingue (Haïti) est indépendant. Des religieux sont dans le pays mais sans organisation. 1860 – Rome signe un Concordat avec le pouvoir (militaire) d’Haïti 1864- Des prêtres diocésains viennent de France (surtout du Finistère et Morbihan) Le pays est organisé en cinq diocèses (3 seront créés en fin 20e siècle) 1884- Déjà 250 prêtres sont venus en Haïti et cela continuera. 1894- La formation des futurs prêtres est organisée à Landivisiau dans le Finistère au Manoir St Jacques. 1871- Deux prêtres sont haïtiens 1927- Un grand séminaire est ouvert à Port au Prince. Il y a 60 ans, presque toutes les paroisses sont sous la responsabilité des Prêtres de St Jacques. 1959-1969- Des prêtres sont expulsés (sous Duvalier) qui veut un clergé indigène. 1966- Les prêtres de St Jacques sont organisés en « Société de St Jacques » Aujourd’hui - Ils ont trois centres : - « Lafleur-Ducheine » à Port au Prince, centre provincial - « Fontamara »- Maison de Formation et de retraite - Ermitage à Cap Haïtien. + 2 paroisses sur Carrefour : St Antoine – St Roch - Quelques paroisses au Brésil et en France.

Denis 21.01.2011


Futurs Prêtres haïtiens (Sté St Jacques)

J’ai passé deux heures avec six garçons d’une vingtaine d’année, qui ont l’intention de devenir missionnaires de St Jacques. Avant de commencer le Séminaire du pays à Port au Prince, ils font une année de discernement à Fontamara. Ils sont actuellement accompagnés par un prêtre haïtien de St Jacques « OTHON » qui succède à Georgino, parti, sur sa demande, au Brésil. -Ils se demandent comment la France a pu se déchristianiser ainsi. - Il y a très peu d’incroyants en Haïti et ont du mal à s’imaginer le fait de l’incroyance. - Ils se heurtent aussi au manque de formation des Chrétiens car il y a deux réalités qui les interpellent. 1- la persistance de la superstition et du Vaudou 2- la montée des « Eglises évangéliques » – flagrante depuis le séisme - Comment aider les habitants qui se disent catholiques à avoir la foi authentiquement chrétienne et une vie évangélique ? -Avec raison ils n’ont pas peur de l’avenir et ils savent que leur pays a bien des choses à apporter à l’Europe (exemples : leur confiance au Christ et leur chaleur humaine ,1 grand cœur généreux). -que l’Occident n’oublie pas de réparer l’injustice du passé (traite des noirs-exploitation de leur terre)

Note – Sur la paroisse St Roch un religieux Catholique a recruté des enseignants « Évangéliques ». Ces enseignants empêchent les familles de fréquenter l’Eglise Catholique.

Ordination 22.01.2011

Jean-Maxène TRISTANT. Prêtre de St Jacques C’est le 24ème prêtre haïtien de la « Société des prêtres de St Jacques ». Cela s’est passé à Petit Goave, à une heure et demie de Port au Prince. Nous avons pris la route du Sud qui longe la mer. Enfin une route assez correcte pour le pays. A un moment j’ai même vu des poteaux du code de la route ! L’église de Petit Goave a été détruite par le séisme. Nous étions sous un grand hangar aménagé en église. Un seul mur : derrière l’autel. Monseigneur Francois-Wolf Marie Ligondé a présidé l’ordination. Retraité, il a été le premier archevêque noir de Port au Prince (sous Duvalier) Jean-Maxène a déjà fait un stage pastoral dans le diocèse de la Rochelle en France et il va y retourner dans quelque mois. Les assemblées sont animées ici : orchestre (Synthé, guitare, percussion) chorales avec un responsable, et en uniforme. Les chants sont les mêmes qu’en France, même les récents (comme « Couronnée d’étoiles » ou « Le corps et le sang du Seigneur ») Les chants français sont chantés très (trop) lentement pour moi. Les chants créoles sont rythmés et plus rapides. Pourquoi ? Les gestes de paix sont très exubérants : moultes embrassades, accolades et tapes dans le dos, accompagnés de rires éclatants entre prêtres bien sur ! Un repas-buffet gratuit était servi dans le grand presbytère (non détruit) joyeuse pagaille, bruyante- comme d’habitude ici. Quand ils sont réunis les haïtiens sont bruyants. Les enfants de chœur ont des tenues à l’ancienne : soutane (rouge) (bleue) surplis blancs- quelquefois au bas des dentelles blanches. On ne regarde pas à la longueur. On n’est pas maniaque ici. Les prêtres habillés en clergyman pour les cérémonies ont des aubes comme chez nous. Mais une mode s’instaure : mettre de la dentelle ici et là. L’austérité n’est pas naturelle ici. La messe a duré 3 heures.

Denis 22.o1.2011


Emmuré !

J’espérais pouvoir marcher en ville-mais pas question ! Les piétons sons très nombreux dans les rues mais il n’y a que les haïtiens anonymes car les dangers sont là. - Il est facile d’être volé - Il y a le racket - Il y a aussi le kidnapping (et il est en regain en ce moment) - Il peut y avoir des bandes violentes - Il faut penser aux manifestations possibles, presque toujours violentes, elles aussi. Alors pas question de s’aventurer dans les rues. Et si je pouvais y aller, qu’y ferais-je ? - La langue créole m’est incompréhensible - Il n’y a presque pas de boutiques. Ce sont surtout des vendeurs improvisés dans les rues. - Les boutiques ne sont pas encourageantes pour nous. Des grilles, des portes en fer, des guichets. Tout est fait pour se protéger des voleurs. - Pas de boutiques touristiques, sauf quelques boutiques d’Art local (que j’aime) en retrait, la plupart du temps. - Ce qui se vend dans la rue, c’est beaucoup pour manger ou pour la vie quotidienne que je n’ai pas à prévoir. Les propriétés sont toutes murées. Ce sont les gens à l’intérieur qui ouvrent. Pas ceux qui entrent. Murs très hauts, chaines, cadenas, barbelés sur les murs, les gardiens utilisent les « judas ». Prudence. Le Père Cabioc’h a vu, en 1992, une bande entrer qui menaçait de le tuer. Il a pu négocier ! Donc attention en Haïti Denis 22.01.2011 Missionnaires en Haïti depuis un demi-siècle Jopic, Yvon, Pierre et Jean-Jacques sont arrives jeunes prêtres en Haïti et ont exerce leur ministère dans les paroisses tout au long de leur vie. Aujourd’hui ils ne sont plus en paroisse mais ils aiment ce pays et veulent y achever leur existence. Ils sont à « Fontamara » au sud de Port au Prince dans uns maison des Peres de St Jacques. Ils ont trouve leur bonheur ici mais cela n’a pas toujours été facile. Ils rassemblaient les chrétiens en grand nombre. Ils ont crée des écoles « presbytérales » partout. Ils ont parfois connu la violence de la part des paroissiens. Jean-Jacques et Jopic ont vu dans leur paroisse se dresser devant eux des petits groupes qui voulaient les faire partir -les « déchouquer »- usant de leurs relations avec des personnes proches du pouvoir civil, provoquant de grandes assemblées houleuses dans les églises. Le ministère des cultes devait intervenir car les cures était nommes avec l’assentiment du gouvernement. Sans lien avec le ministère ils ont été interpelés par des voleurs. Yves a eu un revolver pose sur la tempe pour qu’il donne son argent. Il y avait heureusement peu d’argent dans la caisse. Une autre fois deux voleurs l’ont braque pour qu’il laisse sa moto. Il a réussi à se sauver avec son engin, mais l’a vendu peu après, traumatisé par l’événement. Jean-Jacques a vu un jour un groupe d’exaltés entrer. Ils étaient une trentaine et voulaient des armes - qu’il n’avait pas !- Avec deux armes braquées sur lui, il a pu négocier. Pierre a été menace par une arme par un préfet, car il avait reproche a sa femme de pratiquer le Vaudou. Cela s’est termine par un coup de poing a moitie rate. Il doit arrêter les confessions. Depuis quatre ans Jean-Jacques n’a plus sa voiture personnelle. Il l’avait prêtée a deux employés pour faire le marche, la voiture a été prise par deux braqueurs et une des employés kidnappée. Il a pu négocier la rançon -mais n’a pas retrouve la voiture-. Des baptêmes sont assez souvent demandés avec la menace des armes. Ces prêtres connaissent un confrère qui a été assassiné de cette façon. Nous sommes loin de la Normandie.

Denis le 26.01.2011


Haïti – Paradis ! Pas mourir !

Il est là, souriant du matin jusqu’au soir, le Soleil Mieux encore qu’aux belles journées estivales en mon pays. Ici je ne vois que des arbres couverts de milliers de feuilles, car il n’y a pas d’hiver pour cacher la vie en Haïti. Corossol, igname, pastèque ou mangue, papaye, chadec, cachiman ou figue, banane… je n’en finirais pas de nommer les fruits généreux qui s’offrent chaque jour pour que je leur tende la main. Un paradis ! Regardez au-delà des lourdes portes verrouillées. Les arbres se laissent voir mais semblent toucher le ciel, pour que la brise marine vienne les caresser joliment. Ils ne connaissent ni le bien, ni le mal mais ils donnent la vie. Blottie entre mer et montagnes, Port au Prince est la ; ville grouillante de vie, mais recouverte d’un nuage gris, bardée de fer, de planches élimées, de gravats échevelés, car la terre déchainée a tout casse la dernière année. Paradis, Haïti ! En attente d’enfantement –oui ! Les écoles en bois chantent l’appel à demain, à l’amour ! Mon corps et mon cœur sont meurtris dans les rues sauvages Haïti ne peut pas mourir, puisque la vie est plus forte que la mort.

Denis le 27.01.2011


Le Grand Séminaire !

Ma dernière visite a Port au Prince aura été le Grand Séminaire –ce qui fut le Grand Séminaire, exactement. Perché sur une colline dans un endroit calme, avec un grand parc, il abritait une centaine de jeunes hommes. En moins d’une minute presque tout l’immeuble a été fracasse. Le béton arme s’est plie, les murs et plafonds se sont effondrés. La mort a envahi les lieux. Et tout est resté identique aujourd’hui comme au premier jour. Des corps sont sans doute ensevelis sous le béton aujourd’hui encore. Sur le bord du chemin une petite clairière avec une statue de Marie fixée au tronc d’un arbre. Au pied, une marque rectangulaire sur la terre. Rien ne le dit, mais là a été inhume à la hâte un des prêtres professeur. J’ai tout parcouru avec Othon, qui a fait tout son séminaire à cet endroit. Il n’a nommé les lieux. Je n’avais pas envie de parler. Un garde (armé) est venu nous voir. Il garde la mort, le néant. Un autre garde est plus loin. Pourquoi ces ruines n’ont-elles pas été nettoyées depuis un an ? Pas de réponse. Le Séminaire est transféré sous des grandes tentes dans le quartier de Santo. A cote de ces ruines, la maison de Maurèse, tenue jadis par les jésuites –chasses par Duvalier. Aujourd’hui St Viateur, une congrégation canadienne est là. Mais la grande maison n’est plus. Les ruines ont été fouillées, les pierres désossées. Un immense tas de pierres -en attente sans doute-. Journée de deuil pour moi. Emouvante. Dans le silence.

Denis le 27.01.2011