Je suis arrivé ici, habité par les images catastrophistes des médias occidentaux, m’attendant à ne voir que misère et visages défaits. Je n’ai pas tout vu, je n’ai pas tout entendu. Je ne suis pas allé au cœur de la campagne ni sur les côtes attendant les touristes. Je ne suis pas allé à la « Cité Soleil » ni dan le fond des ruelles. Je n’ai vu toutes tentes installées vraiment partout que de loin.

Mais j’ai rencontré des visages souriants, des hommes et des femmes bien habillés, à la manière occidentale. Je ne sais si les milliers de personnes aperçues souffrent de la faim, mais j’ai vu des milliers de personnes qui essaient de gagner leur vie, qui ne regardent ni à la pénibilité, ni à l’heure ou au jour de la semaine pour travailler.

Les enfants des écoles sont tous bien habillés dans leur uniforme et sont gourmands d’apprendre à lire et écrire. Il n’y a presque pas de problèmes de disciplines dans les classes pourtant surchargées, m’a-t-on dit. Ils ont l’air heureux avec une gamelle de riz aux pois bien pleine donnée à l’école chaque jour. Les cuisinières font leur cuisine avec le sourire alors qu’elles n’ont que des grandes marmites posées sur trois grosses pierres et du charbon de bois très souvent. Cette source d’énergie est encore primordiale dans le pays, hélas !

J’ai vu des petits modules à travers la ville mis en place par des ONG au service de la santé des habitants. Ils font peut-être 12m2, avec une appellation écrite « Clinique de… ». Je ne sais si c’est très fréquenté, mais j’ai vu les familles faire attention à ce qu’elles boivent, laver longuement les fruits et les légumes. Je n’ai pas entendu parler du choléra. Les gens n’ont pas l’air terrorisés par cette épidémie.

J’ai beaucoup entendu parler politique et même avec humour ! Le pays s’attend à tout et ne croit ni aux capacités ni à l’honnêteté de ses dirigeants quels qu’ils soient. Mais j’ai vu rire de Jean-Claude Duvalier, celui que personne n’attendait. Tout est possible ici et tout est rempli d’imprévus . Les Haïtiens sont capables d’humour et cela les aide certainement.

Ce qui m’a le plus marqué ce sont les rues de la ville que j’ai sillonnées tous les jours dans les « 4x4 » des amis. Impensable en Occident ! La poussière soulevée par les pieds et les roues des autos pénètre partout, même dans les yeux. Les murs, les poteaux sensés porter l’électricité qui ne circule que la nuit, et encore, les bouts de planches toutes usées clouées n’importe comment pour faire des étalages, donnent une impression de désordre immense. Les déchets sont ramassés à la pelle de temps en temps, mais les passants marchent à côté sans y faire attention. Habitués sans doute !

Haïti, un pays qui vit au rythme du soleil généreux, et de lui seul. On sait faire avec le temps, remettre ou oublier un rendez-vous, perdre la moitié d’une journée s’il le faut, faire sans cesse de nouveaux projets. L’Occident super organisé et prévoyant a du mal à comprendre .Mécènes et Gentils donateurs voudraient que tout soit planifié pour donner des aides. Il faut bine faire avec la réalité d’ici.

Les Haïtiens auraient besoin de l’argent que les hommes au pouvoir ont mis dans leur poche. Mais ils pensent que si J.Claude Duvalier donne son argent au pays il ira simplement grossir les comptes des nantis du pays, car il y en a.! J’ai apprécié la chaleur du jour (25 à 30 ° à cette époque) et la fraîcheur relative de la nuit. C’est la bonne époque de l’année pour venir dans cette région. J'ai eu du succès auprès des moustiques, mais cela passe…

J’ai rencontré l’Eglise Catholique, très présente ici depuis 150 ans. Elle est aujourd’hui animée par les Haïtiens eux-mêmes. Ils le font à leur façon et avec les moyens qu’ils ont. Les messes sont chaleureuses et priantes, même si j’ai trouvé le rythme un peu lent. Elle fait tout ce qu’elle peut pour aider le pays à se relever et se transformer. Une Eglise concordataire, mais qui garde sa liberté face au pouvoir. Une Eglise qui ne veut pas attendre tout de la Communauté internationale mais qui sait apprécier sa solidarité, car elle sauve des milliers de personnes de la mort, surtout dans les villes. Une Eglise qui a du mal à supporter les « Protestants » qui font beaucoup de prosélytisme bruyant et gardent l’esprit « business » des Américains. Pour eux les Eglise se mènent comme une entreprise.

Port au Prince et ses environs immédiats restent marqués par le séisme du 12 janvier 2010. On n’a pas fini de déblayer les maisons cassées dont on ne sait si elles gardent encore des restes humains vite desséchés ici.

Les Haïtiens regardent beaucoup vers les USA et le Canada. Ils n’aiment pas beaucoup ceux qui les dominent et les contrôlent depuis plus de cent ans, mais ces pays restent un rêve pour eux .Beaucoup émigrent.

Je ne suis pas « désolé » par ce que j’ai vu. Je vais repartir au contraire plus dynamisé que jamais. J’espère avoir communiqué un peu de mon enthousiasme à ceux et celles que j’ai rencontrés.

Reste que m’approcher de ce pays de 25 000 km2, et peuplé de plus de 8 000 000 d’habitants Souffrent et va sûrement continuer longtemps de souffrir. Mais, comme tout un chacun il a droit à un peu de bonheur, de joie et d’amour. Et c’est notre affaire à tous.

Denis – 29 01 2011